dimanche 16 mai 2010

Lettre de C. Suzzoni à propos de la réforme

Paris le 07 mai 2010
Chères collègues,
J’ai pris connaissance, par l’intermédiaire de l’association dont je suis vice-présidente, l’Apfla-Cpl, que vous aviez conviée à une réunion de concertation, des propositions qui concernent l’éventuelle réforme de l’épreuve de la spécialité lettres modernes au concours de Lyon/Sciences humaines, et je souhaitais vous exprimer ma perplexité devant l’argumentation qui inspire les « perspectives d’évolution de l’épreuve orale », dont l’essentiel repose sur ce qui serait devenu caduc dans les modalités de l’ancienne épreuve. 
je suis d’abord frappée par les étonnants paralogismes qui nourrissent cette argumentation : vous rappelez que la présence d’œuvres du 16ème siècle et du 17 ème siècle « avait pour finalité de former chez des candidats non latinistes une conscience de l’historicité de la langue et de la littérature » –dont acte…-, mais que la présence désormais de l’étude d’une langue ancienne et de la culture antique dans l’hypohkâgne  non –déterminante  « annule cette finalité ». Je remarque, au contraire, deux choses : d’une part , comme ce sera le cas à l’agrégation de lettres modernes, les étudiants ont le choix entre le grec et le latin ; de ce fait, et quelque bénéfique que puisse être pour eux une initiation à cette prestigieuse langue ancienne qu’est le grec, il ne s’agit en aucun cas de ce « continuum » que constitue le latin, langue ancienne du français ; ce que vous avanciez , à juste titre, comme « la nécessité d’une conscience de l’historicité de la langue », n’est donc plus assuré ; d’autre part, si l’on veut bien se souvenir que la filière dite littéraire dans le secondaire, ne fait, non plus, aucune place à un latin obligatoire, il semblerait plus que jamais nécessaire qu’une épreuve de spécialistes comporte l’approfondissement d’un savoir qui constitue une partie fondamentale de la légitimité scientifique de ce cursus. L’on s’achemine donc vers une préparation qui, du secondaire jusqu’à l’agrégation incluse, sera, pour certains, sans doute de plus en plus nombreux, complètement coupée de l’amont de la langue ; je me suis déjà exprimée sur cette « curiosité » d’une agrégation de lettres modernes, avec un latin devenu optionnel. Le débat n’est certainement pas clos, d’autant que la chose s’étant décidée pour ainsi dire en catimini, beaucoup, qui ne sont pas forcément du sérail –mais ce n’est pas non plus forcément dans le sérail que les intérêts de nos études littéraires sont aujourd’hui le mieux défendus…-, commencent seulement à l’apprendre, et à s’étonner à leur tour. Il se peut que vous ayez souhaité entériner, en l’anticipant à ce stade du concours, cette   « curiosité ». Pourquoi pas, mais il faut alors revoir votre argumentaire.
Je suis peut-être davantage étonnée, j’oserais dire un peu consternée, par la philosophie plus générale qui inspire ce projet de réforme. Vous prétendez d’une part le défendre au nom d’une « modernité » qui serait susceptible de rendre l’option plus « attractive » face à ces options concurrentielles que sont les Arts du spectacle, les Arts plastiques, le Cinéma, la Musique. J’avoue ne pas comprendre ce raisonnement qui consisterait à faire basculer Montaigne, pour ne citer que lui, du côté des « œuvres du passé », étude d’un passé qui, dites –vous, serait paradoxale pour « une épreuve spécifique de Lettres modernes » !!! Je ne sais pas quelle idée vous vous faites de la modernité, mais il me semble, si l’on s’en tient à cet exemple de Montaigne (ou Cervantès ou Shakespeare, puisque vous parlez de littérature européenne), que c’est bien cet auteur qui serait le plus à même d’initier des optionnaires de lettres modernes à une modernité littéraire, comme l’attestent, de fait, les ouvrages critiques qui lui sont consacrés par ceux-là mêmes qui se trouvent de plain pied avec la modernité. Et prétendre de surcroît, et pour finir, que cette « modernisation » serait « véritablement en accord avec l’évolution actuelle des études littéraires » me paraît on ne peut plus mystérieux : de quelle « évolution » s’agit-il ? Nous aurait-il échappé, dans le paysage critique contemporain, un ouvrage important de théorie littéraire, une somme, qui autorise le jury de lettres modernes à des conclusions aussi hâtives ? J’ajoute que très curieusement, ce même jury prend pour exemple ces options concurrentielles qui, elles, « affichent clairement leur dimension artistique » : pourquoi alors ne pas en faire autant, et afficher nous aussi notre dimension littéraire, qui ne sort pas grandie de se négocier en termes de plus ou moins grande proximité avec « les aspects les plus modernes de la littérature ». Est-ce bien la peine de faire lire à nos étudiants, Gérard Genette, Jean Starobinski, Antoine Compagnon, Michel Charles, si l’on doit pour finir défendre une vision aussi naÏvement moderniste de la littérature ? Je ne suis pas sûre qu’elle soit d’ailleurs la philosophie des candidats : pour avoir, nous aussi, discuté avec eux, nous savons que beaucoup des étudiants de cette filière sont au contraire de plus en plus intéressés par les auteurs des 16ème et 17ème siècles, et entre autres raisons- parmi lesquelles le réel intérêt pris à des œuvres dont ils ne soupçonnaient pas la richesse - pour la solidité, la variété, la « modernité » des outils critiques dont ils disposent pour mener leurs travaux et qu’ils ont expérimentés dans leur année de préparation à cette épreuve. En tout état de cause, quand il s’agit de relégitimer une filière qui se raréfie, il est certes urgent de se pencher sur le problème, mais les solutions apportées ne sont jamais bonnes si elles consistent essentiellement à alléger imprudemment les exigences en matière de savoir. Nous persistons à dire-car loin de nous la pensée qu’il faille faire « plancher » nos candidats sur des œuvres confidentielles- que la présence systématique d’un essai de Montaigne au programme de cette spécialité-car, enfin, il s’agit bien d’une spécialité ?- serait le meilleur garde fou pour ne pas s’enferrer dans un faux débat où le risque pointe à l’horizon d’une molle et intempestive querelle des Anciens et des Modernes, ou d’une non moins inopportune scission entre antiquisants et françisants. Il me semble d’ailleurs que ni les Anglais, avec Shakespeare, ni les Espagnols avec leur Siècle d’Or, quand il s’agit de former des spécialistes de la littérature, ne sont prêts à faire pareilles concessions à l’air du temps, et surtout pas au nom de la « modernité ». Pas plus sans doute que les optionnaires anglicistes ne semblent prêts à renoncer à Shakespeare ?
Peut-être suis-je en train d’exagérer les risques que je crois déceler dans ce volet de votre projet de réforme, mais il est malheureusement trop en cohérence avec d’autres dérives en cours, qui n’ont pu être jugulées, pour que l’on n’y soit pas sensible. 
Je dois dire que les inquiétudes que suscitent certaines des propositions de ce projet, ajoutées à celles causées par les nouvelles modalités de l’épreuve de dissertation, sont bien plus fortes que l’indignation causée par la coquille dans la citation du sujet de composition française proposé à nos candidats : cet impair est certes regrettable, mais pour terminer sur une note un peu ludique, je dirai d’abord que les réactions de l’APPLS, pour attendues et bienvenues qu’elles soient, le seraient davantage si d’autres réactions, à mon sens plus fondées quand il s’agit de réagir sur des problèmes de… fond , se manifestaient avec la même solennité ou la même fermeté, en l’occurrence, à propos des propositions que vous faites concernant les épreuves de spécialité Lettres modernes ; d’autre part, il me semble que cette  malheureuse « affectation » assure à ce sujet, dans son exactitude binaire et antithétique, trop proche, peut-être, d’une thématique stéréotypée de question de cours, une subtile « coloration » qui peut avoir inspiré d’une manière féconde nos candidats…
Je vous remercie, chères collègues, pour votre aimable attention, et vous adresse mes cordiales salutations.


Cécilia Suzzoni, professeur de chaire supérieure au lycée Henri IV, vice-présidente de l’Apfla-Cpl



Réponse de Catherine Volpilhac, par courriel , le 10/05/2010
Chère collègue,
Je vous remercie de cet envoi dont nous ne manquerons pas de tenir compte pour notre réflexion.
Avec l’expression de mes cordiales pensées .
Catherine Volpilhac-Auger

dimanche 12 octobre 2008

Cécilia Suzzoni à propos de l'agrégation de lettres modernes

Cécilia Suzzoni, professeur de Chaire supérieure au Lycée Henri IV, vice-Présidente de l’Association des professeurs de français et de langues anciennes des classes préparatoires littéraires, Présidente de l’Association Le Latin dans les Littératures européennes, corédactrice de la Contribution des langues et culture de l’Antiquité à une culture humaniste et scientifique.

Cecilia.suzzoni@wanadoo.fr


Je souhaiterais réagir à l’annonce d’une mesure concernant l’Agrégation de lettres modernes, prise, semble-t-il, dans la plus grande discrétion et sans débat préalable, autorisant les agrégatifs à « choisir désormais lors de l’inscription au concours entre la version grecque et la version latine » (Arrêté du 17 juin ,paru au Journal Officiel du 20 juin 2000).

Ainsi, pour la première fois, et à un concours de recrutement de professeurs de français qui reste, qui est censé rester le plus ambitieux, le latin, langue ancienne du français, et langue ancienne pour toujours (le temps en effet n’éloigne pas une langue de son origine : c’est même pour nous la précieuse leçon des humanistes…) devient une discipline optionnelle. Nous savons, j’y insiste, car ce point est souvent escamoté dans les rapides argumentaires entendus ici et là, que beaucoup d’étudiants de lettres modernes arrivent à l’Université ou en Classes préparatoires littéraires, sans avoir jamais fait de latin. L’obligation du latin à l’agrégation de lettres modernes commandait d’une certaine façon leur cursus universitaire(sans leur interdire en aucune manière une initiation au grec )et assurait un apprentissage ambitieux de cette discipline, inscrite de fait, intus et in cute, dans les programmes de littérature française, à des degrés divers, linguistique, rhétorique, littéraire. Il y a à peine quelques années, le jury de français, option lettres modernes, du concours de Lyon /Sciences humaines, répondait très officiellement à un collègue, à ce propos : « Latinistes, les optionnaires de lettres modernes doivent l’être»…L’on ne voit pas, depuis, quel séisme épistémologique serait venu invalider cette remarque de simple bon sens…

L’argument qui consiste à traiter le latin à parité de salut avec le grec ne paraît pas recevable : le latin n’est commutable avec aucune autre langue, et certainement pas avec le grec quand il s’agit du français : l’alternative proposée, latin ou grec, n’est justifiée ni par la tradition, ni par l’usage, ni par le bon sens. Et il ne s’agit pas là de se livrer à une absurde arithmétique des mérites comparés . J’enseigne , pour ma part, avec bonheur et passion le grec en khâgne classique, et l’on ne saurait, sans mauvaise foi, me soupçonner de vouloir « cliver le ciel antique ». .. Mais j’enseigne aussi le français et sa littérature dans ces mêmes classes, et Je constate simplement que le latin n’est pas seulement , comme le grec, une langue de culture ; langue de culture , il l’est bien sûr, -langue entièrement filtrée par une littérature, rappelait encore récemment Julien Gracq-, mais son lien consubstantiel avec le français est aussi généalogique, en quoi il touche en nous au proche et au propre : l’on sait que la latinisation de la langue française s’est poursuivie jusqu’à l’époque contemporaine : pour notre langue , l’étymologie même n’est pas seulement une archéologie : le latin si insistant dans notre langue – et paradoxalement, moins dans son origine que dans son développement et son expansion la plus moderne – nous entraîne toujours en amont des mots, mais toujours au plus actuel des mots : l’ « etumon » n’est pas le secret ni le caché ou l’oubli des mots : il en est le visible et le perçu du sens.

Je mesure, certes, la « respiration » qu’une telle mesure peut susciter chez les hellénistes, dont je suis, mais je suis très inquiète de voir que l’on s’achemine, au plus haut niveau, vers un enseignement de la littérature française découplé de sa langue, de cet amont où s’enracine son rôle mémoriel et continuateur, bref de cette dimension verticale et monumentale , ce voyage dans les mots qui commence avec la moindre analyse de citation et en quoi consiste l’être même de la littérature. Je suis aussi consternée de voir qu’une nouvelle fois, notre institution s’efforce de trouver des solutions, en entérinant un paysage qui, pour être refondé, exigerait, non pas de donner de maigres satisfactions aux uns ou aux autres, victoires à la Pyrrhus, mais une réflexion d’ensemble collective autrement ambitieuse.

Il me semble que, sans vaine polémique, sine ira, mais cum studio, le moment est opportun de rappeler le rôle essentiel du latin dans les études littéraires, un latin d’ailleurs revisité et délesté depuis longtemps de toute frilosité rétrograde, panoplie dont on souhaiterait encore, ici ou là, l’affubler, sans grande conviction d’ailleurs –c’est que les faits, dans le domaine du savoir sont heureusement têtus… et ne se laissent pas travestir ! Peut-être la spécialisation des uns et des autres contribue- t-elle à faire oublier des évidences, ou à les minorer, mais dans ce débat, il ne s’agit plus de la défense du latin ou du grec, ni même des langues anciennes, encore moins des « lettres classiques », mais bien de celle du français, ce « latin des modernes » , comme on disait naguère… et de sa littérature. De la littérature européenne, aussi : entre autres fortes réflexions, Georges Steiner, dans Passions impunies, rappelle l’ « aura » spécifique du latin, « pivot même des études comparées en Europe », et, à propos de l’urgence à faire entendre toujours ces « négociations ininterrompues, grâce au véhicule latin », « la tâche nécessaire et passionnante(qui) nous attend » . De fait, sans le substrat commun et nourricier du latin, ce sont les grands lieux et les grands noms de la littérature européenne, Pétrarque, Dante, Montaigne, Shakespeare, Cervantès, qui sont menacés d’une marginalisation exotique et éclatée.

vendredi 9 novembre 2007

IMPORTANT: Report des réunions de Lyon

En raison des mouvements de grève annoncés dans les transports, la journée de rencontre des professeurs de CPGE avec le jury du concours de l'ENS LSH prévue le 16 novembre est annulée et est reportée au 14 décembre (avec les mêmes horaires).
Jacques THEOLEYRE Responsable du service admissionsENS Lettres et sciences humainesTél : 04 37 37 60 63Tcp : 04 37 37 60 64

jeudi 20 septembre 2007

Un point de vue de Brigitte Fouilland, de l'APKKHSES

Les professeurs de sciences économiques et sociales en khâgne et hypokhâgne "préoccupés"
L’APKHKSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales en khâgne et hypokhâgne “Lettres et sciences sociales” dite aussi B/L) "se montre très préoccupée par les critiques récurrentes adressées par Monsieur Darcos, ministre de l’Éducation nationale, envers la filière ES de l’enseignement secondaire général".

Elle indique que "la série ES produit de plus en plus d’excellents élèves" qui "entrent de plus en plus nombreux" dans les grandes écoles et les IEP (instituts d’études politiques). À “Sciences Po", ils ont constitué "de beaucoup la plus grande proportion des admis sur mention très bien en 2007". Elle évoque de plus de nombreuses réussite "dans un très bon rang" dans les écoles normales supérieures.

L'association ajoute que "les enseignements de sciences économiques et sociales constituent un élément fondamental de la formation des jeunes du XXIème siècle" et se déclare "solidaire des professeurs de l’enseignement secondaire".


- APKHKSES, Brigitte Fouilland, présidente, brigitte.fouilland@wanadoo.fr


mardi 18 septembre 2007

Un point de vue d' Edouard Legangneux, professeur au Lycée Camille Jullian de Bordeaux

Un autre aspect qui appelle à la réforme : des profils de carrière devenus aujourd'hui inacceptables, surtout au début. Un témoignage.

Nommé directement en khâgne à 38 ans pour un service complet, je suis depuis 4 ans et pour longtemps encore rémunéré sur l'échelle normale des agrégés, comme nombre de collègues faisant cours à des 6ème.

L'échelle normale est d'abord insuffisante en elle-même.
Une enquête réalisée par trois économistes et parue dans le Monde du 22 janvier 2007 fait état d'une perte de pouvoir d'achat de 20,6% pour les agrégés entre 1981 et 2004 exprimée en traitement annuel net réel. La dernière revalorisation du corps des agrégés remonte à 1972. Les statistiques du Ministère lui-même indiquent que les agrégés sont ceux des enseignants qui travaillent le plus, bien plus d'ailleurs que la durée légale. Cette involution a lieu alors même que les difficultés croissantes de la vie économique accentuent l'importance des parcours individuels de carrière.
La situation qui voit sans cesse notre charge de travail s'alourdir et la situation matérielle et morale se dégrader est désormais insoutenable. L'équilibre entre contribution et rétribution est rompu.

L'échelle normale est d'autant plus inacceptable lorsqu'elle s'applique à des professeurs de CPGE.
En me portant candidat à l'enseignement en CPGE et affrontant à nouveau des critères sélectifs, j'ai choisi de remettre en question les acquis professionnels dont je commençais à avoir la maîtrise et qui m'apportaient une certaine position et reconnaissance.
Pendant une année de transition, j'ai effectué jusqu'à 20h00 en lycée et 4 heures en prépa, conditions subies par nombre de nos collègues.
Ce nouveau poste a exigé ensuite la capacité à changer d'univers. Il s'agissait d'un nouveau métier, pour des raisons que nous connaissons tous, parmi lesquelles la remise à plat des connaissances et l'acquisition de nouvelles compétences.
Enseignant une discipline à dissertation devant deux khâgnes, l'essentiel de chaque période de vacances est consacré à la correction des copies. Ces congés me sont payés à travailler. La préparation du nouveau programme du concours ne laisse pas non plus subsister grand chose des congés sans solde d'été.
J'ai par ailleurs aussi plus de responsabilités face à mes étudiants, dont les résultats sont publics et chaque année connus de tous. Le système me soumet à une évaluation permanente.
En résumé, la véritable mutation professionnelle dont je me suis rendu capable a entraîné une très nette augmentation de mon temps de travail, une reconversion de mes compétences mais également plus de responsabilités.

L'Etat m'a pourtant oublié.
En effet, les statistiques montrent que je vais devoir attendre au mieux 8 ans une promotion à la chaire supérieure. En Physique le plus jeune nommé est âgé de 38 ans alors qu'en Histoire-Géographie il en a 48. D'autres sont nommés dans les toutes dernières années de leur carrière. A l'inverse, les collègues nommés assez jeunes atteignent le bout de l'échelle en quelques années et comme il n'existe pas d'échelle hors-classe, scandaleuse exception, leur traitement plafonne pendant parfois les 15 dernières années de leur carrière.
Alors je demande régulièrement la hors-classe, même sil s'agit d'un poste budgétaire destiné à un collègue du Secondaire. Là encore je suis loin de la barre d'accès et c'est sûrement le dépit qui me fait me rappeler les propos anti-prépa proférés en petit comité par celui qui est censé attribuer la hors-classe dans mon académie. Selon toute probabilité, je vais même être promu à l'échelon supérieur au choix et non au grand choix.

Je ne suis concrètement récompensé que par les colles.
Comment faire croire que ce bonus peut compenser de tels retards de carrière ? Quel actif à niveau équivalent accepterait une telle impasse ? Qui peut imaginer que suffisent aux enseignants les chaleureuses félicitations du chef, la reconnaissance des pairs et la seule satisfaction d'avoir de meilleurs élèves ? Dois-je partir, malgré le déchirement personnel que cela signifierait, pour retrouver des perspectives d'évolution ? Je ne suis pas le seul à y penser parmi les fonctionnaires dont le niveau peut intéresser l'entreprise. L'Etat est une mécanique qui aujourd'hui fuit de toute part car partout les mêmes logiques sont à l'œuvre qui usent les motivations les mieux trempées : officiers supérieurs, médecins spécialistes, chercheurs, combien le quittent parmi ses meilleurs serviteurs ?
Les préoccupations des enseignants aujourd'hui conservent des caractères spécifiques, comme l'intérêt pour le service du public et la conscience d'accomplir une mission particulière, ce dont ils sont souvent particulièrement fiers. Cependant, s'ajoutent désormais, et de façon toujours plus aiguë, celles de tout autre actif : une juste rétribution, une évolution de carrière correspondant au travail fourni.

Il paraît urgent de suivre des règles plus justes.
La période probatoire, si elle est nécessaire, doit être raisonnable et à plus de travail et plus de responsabilités doit correspondre une promotion. Le professeur des Classes Préparatoires doit être rétribué différemment pour un service d'une nature différente de celui du secondaire et doit voir s'ouvrir des perspectives d'évolution.
Comme tout cadre, le professeur de prépa doit également bénéficier d'une formation continue.
Si la réforme des métiers de l'enseignement est conduite, elle modifiera les statuts et les nomenclatures mais ne peut faire l'économie du double effet de la revalorisation et de la différenciation des carrières. Il y a un lourd retard à rattraper.

Il faut rebâtir les carrières.
Une telle réforme des pratiques peut s'appliquer d'autant plus rapidement que le mouvement de départ massif à la retraite a déjà commencé.
La place des prépas, leur rapport coût-efficacité, leur ouverture sociale, l'accroissement de leurs débouchés sont en débat. Ne doutons pas que la carrière des professeurs de CPGE est un chapitre de leur modernisation. Les données démographiques concernant les professeurs vont produire un effet de relève et cette relève a des inquiétudes qu'il ne faut pas ignorer.
Il est bien évident que l'Etat ne peut continuer dans cette voie, qui exige de ses jeunes professeurs de CPGE de hauts niveaux de qualification, les laissent devant leur lourde tâche sans la moindre formation continue et attend de bons résultats, sans les traiter justement.

samedi 5 mai 2007

Nouveau Programme LSH (provisoire)

Vous trouverez à l'adresse suivante le nouveau programme de Lyon:
http://www.ens-lsh.fr/69754876/0/fiche___pagelibre/

jeudi 26 avril 2007

Un point de vue d'A-M.Bonnabel, professeur au lycée Thiers, Marseille

En modeste contribution au débat qui nous occupe, quelques réflexions d’une enseignante en Etudes Théâtrales, aussi fraîchement arrivée en CPGE que les nouvelles options artistiques. Si la nouveauté du regard ne prétend pas rivaliser avec l’expérience, son innocence l’emporte néanmoins peut-être sur son ignorance.

Lorsque les nouvelles options artistiques (Cinéma, Histoire des Arts ; Théâtre) ont été créées (1° concours en 2004), j’ai cru comprendre que, dans l’esprit de leurs concepteurs, il s’agissait non pas de donner le coup d’envoi à une quelconque concurrence entre des options rivales, mais simplement d’élargir, voire de renouveler, le vivier des candidats aux concours. Ces options ont été l’occasion d’une remarquable collaboration entre les deux ENS, puisque – et c’est une première en AL - le programme, les épreuves écrites et le jury sont communs. Depuis 2004, cinq élèves ont intégré l’une ou l’autre des ENS avec une spécialité Etudes Théâtrales. Je n’ai malheureusement pas les résultats des autres spécialités Arts. Quant à la diversification des débouchés qui reste un souci majeur pour les classes de AL, je ne peux citer que mon lycée, Thiers, où un de mes élèves de l’année dernière est en train de passer brillamment les premiers et deuxièmes tours du Conservatoire de Paris et du TNS de Strasbourg, c'est-à-dire l’excellence en matière de formation de comédien et/ou metteur en scène.

Quand des questions légitimes se posent au sujet du projet de réforme de l’HK, quand l’inquiétude gagne, je crains que des revendications disciplinaires ne prennent le pas sur l’intérêt commun, à savoir la défense et la survie de nos classes. En effet si je ne peux qu’applaudir à l’élargissement et à la généralisation des études de langues anciennes, socle de notre culture et fleuron de nos enseignements, si je ne peux qu’apprécier l’ouverture des débouchés en Ecoles de commerce et reconnaître l’importance de deux langues vivantes, je préfèrerais qu’un libre choix d’options soit laissé aux étudiants. Il faut leur fournir dès la rentrée des explications claires et raisonnées sur les enjeux et les conséquences de leurs choix optionnels afin qu’ils se déterminent en toute connaissance de cause. Non, tous nos littéraires ne présenteront pas une école de commerce. Non, tous les nouveaux hypokhâgneux ne se sentent pas une vocation pour une option artistique ou pour la géographie. A trop charger la barque, à uniformiser l’enseignement, sans tenir compte du profil et du projet de chacun, on risque la désaffection d’élèves qui auraient peut-être capacité à réussir les ENS.

Je crois bon que l’APPLS mettre au centre de sa réflexion le devenir des nombreux élèves qui nous font confiance malgré une conjoncture si défavorable aux littéraires ; ce sont eux l’avenir, bien plus que nous et les postes que nous voulons préserver. D’ailleurs quels meilleurs moyens avons-nous de les préserver que de nous assurer la présence et le succès d’élèves nombreux et divers ? a-m.bonnabel, professeur au lycée Thiers, Marseille